ISBN : 9-791096-195022

Parution : 25 septembre 2016

Format : 124 pages • 10 x 17

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Contre l’État islamique, contre la guerre

Mathieu Pérez

Alors comme ça, Daech nous aurait « déclaré la guerre » le 13 novembre 2015 ?

Face à l’idéologie inlassablement rabâchée qui ne veut voir au Moyen-Orient que « conflits confessionnels » et « chocs des civilisations », ce petit livre tâche de dresser une analyse de ce qu’est l’État Islamique, non à partir de la religion mais à partir des bases matérielles : comme un quasi État en cours d’intégration dans cette partie du monde en pleine poussée contre-révolutionnaire.

La guerre actuelle n’est que la dernière en date d’une longue série d’interventions occidentales. Et loin d’être un combat de la Civilisation contre la Barbarie, elle s’inscrit dans une logique post-coloniale et impérialiste.

7,00

Avant-propos de l’auteur

Après les attentats de Paris en novembre 2015, le discours du gouvernement fut  aussitôt extrêmement belliqueux. Il y eut « déclaration de guerre », définition d’un « ennemi » et, dès le 15 novembre, l’armée de l’air noyait la ville de Raqqa sous un déluge de bombes fort médiatisé.

La France se voyait tout de suite placée sous le régime de l’état d’urgence, qui, au moment où ces lignes sont écrites (mai 2016), est toujours effectif et vient d’être prolongé jusqu’en juillet au moins.

L’identité entre ces deux états — l’état de guerre à l’extérieur, l’état autoritaire à l’intérieur —, leur complémentarité, apparaissant, l’émission de radio Le Sale air de la peur et l’auteur de ces lignes décidèrent de consacrer une ou plusieurs émissions à la question de la guerre. Pour ce faire nous avons pensé judicieux et éclairant d’aborder le sujet par une étude de l’ennemi déclaré.

Ce petit livre est le résultat des recherches effectuées pour les émissions. Je le considère comme une sorte de tentative d’étude de « Daech » à partir des conditions matérielles qui le constituent, et non pas, comme c’est le cas partout et tout le temps, à partir de la religion. Je suis persuadé que « ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être ; c’est inversement leur être social qui détermine leur conscience » (Karl Marx, Critique de l’économie politique). En d’autres termes, je pense qu’il faut se garder d’un danger théorique : l’idéalisme, qui fait primer « l’esprit » sur la réalité matérielle, celle-ci étant supposée définie par celui-là. Cette façon de penser est aujourd’hui partagée par presque tous les journalistes, dirigeants politiques, intellectuels.

Ainsi, plus encore depuis les attentats de l’automne, la lecture de « Daech » à partir de  l’islam, ou plutôt comme une « dérive » de l’islam, comme une « variété » d’islam, s’impose partout. La question se poserait en termes religieux : quelle sorte d’islam serait ou non « compatible avec les valeurs de la République » ? Cette lecture, au-delà de sa bêtise, mène tout droit au racisme, à l’islamophobie et à la théorie du « choc des civilisations » ; elle voudrait expliquer l’Histoire, la marche du monde, par des conflits qui se dérouleraient dans le « ciel des idées ».

Il s’agit ici de s’opposer avec toute la vigueur possible à de telles manières d’expliquer le monde, qui d’ailleurs n’en expliquent rien, sinon que les choses sont ainsi parce qu’elles sont ainsi : « Daech » est méchant parce que l’islam est une religion méchante ; le « monde arabo-musulman » est traversé de divisions « congénitales » entre chiites et sunnites qui le minent depuis toujours, et poussent ses membres à s’entre-déchirer ; les pays occidentaux, étant plus « avancés » (on ne sait sur quelle voie), ont pour mission de distribuer la paix, la démocratie libérale, la civilisation à ces pays arriérés.

Or, l’émergence de l’État islamique ne peut évidemment pas être séparée de son contexte historique, géographique, social. Peut-on oublier, si vite, que les États-Unis ont envahi et occupé l’Irak pendant plus de huit ans, qu’ils en ont tué une partie de la population, bouleversé les structures sociales et l’appareil d’État ? Peut-on faire comme si la révolution syrienne ne s’était pas transformée en guerre civile, au fil de l’indifférence ou des interventions occidentales ? Peut-on faire comme si l’Irak  n’abritait pas les réserves de pétrole les plus importantes après celles de l’Arabie saoudite ?

Ce petit livre a donc pour modeste vocation de contribuer à une analyse matérialiste  de la situation au Moyen-Orient. S’appuyant sur des documents accessibles à qui se donne la peine de les trouver, il cherche à éviter les pièges de la façon de penser bourgeoise : l’idéalisme.

Alors bien sûr, ce petit livre est contre l’État islamique ; il est, de même, contre la guerre. Il n’existe pas de parole qui soit neutre, objective : il s’agit là aussi d’un mythe de l’idéologie dominante. Ce petit livre se veut être une contribution à la constitution d’un mouvement qui, en France, s’opposerait à la guerre, aux guerres que mène la France partout où elle le peut. Un tel mouvement n’existe pas, son absence se fait cruellement sentir.

Il est certain que bombarder, encore et sans relâche, les territoires de l’État islamique  ne fera que le renforcer, et si, par extraordinaire, la fameuse « solution militaire »,  dont les généraux eux-mêmes affirment qu’elle est vaine et illusoire, parvenait à détruire (quoi que ça puisse signifier) l’État islamique, ça ne serait que pour préparer le terrain à quelque nouvelle organisation qui lui succéderait, et qu’il faudrait alors à nouveau bombarder, sans fin.

Je ne suis nullement un quelconque expert du monde arabo-musulman. J’espère que ce petit livre ne sera pas inutile, et qu’il permettra de battre quelque peu en brèche les idéologies chauvines, racistes et islamophobes qui se répandent comme un choléra parmi toutes les classes sociales.

Mathieu Pérez

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