L’immigration et la logique du capital

Extraits du chapitre plus théorique du livre « Calais, face à la frontière », été 2017.


L’idée selon laquelle l’immigration constituerait un problème semble devenue une évidence largement répandue. Partout sur la surface du globe, les nations les plus riches érigent des murs et des clôtures à leurs frontières. Une fois ces frontières enfin franchies, les exilé.e.s sont en butte à des politiques de répression excessivement brutales.

Pour remettre en question ces évidences, c’est-à-dire pour comprendre pourquoi on réprime les « migrant.e.s », il faut s’intéresser à l’aspect matériel des choses.

Dans le cadre du capitalisme, aujourd’hui et ici, la figure du « migrant » recouvre – entre autres – une réalité bien concrète : celle d’une certaine quantité de force de travail potentielle. Cette quantité de force de travail a ceci de spécifique qu’elle appartient à des individus qui ont quitté leurs pays d’origine, le plus souvent dans la détresse, la misère, et le dénuement les plus complets. Cette particularité influence les modalités de l’échange de cette force de travail contre de l’argent.

Tentons d’y voir plus clair : plongeons rapidement dans les mécanismes de l’économie capitaliste.

L’armée de réserve

Le capitalisme nécessite des quantités de main-d’œuvre adaptées aux besoins immédiats de l’économie. Le mode de production capitaliste s’est constitué sur des « réserves » de force de travail, qu’il a fallu aller chercher là où elles étaient, par la contrainte au besoin. Les exemples historiques sont nombreux. Ainsi dès le XVIIe siècle en Angleterre, les paysans déracinés, privés de leur terre, c’est-à-dire des moyens de production nécessaire à leur survie, se sont prolétarisés : ils se sont vus contraints de vendre leur force de travail contre un salaire. Il en est allé de même avec les femmes, les enfants, qui à leur tour ont dû nourrir les besoins croissants de l’industrie, surtout au XIXe siècle en Occident. La traite des esclaves capturé.e.s en Afrique et la réduction en esclavage des populations autochtones ont permis le développement de la colonisation des Amériques – et l’accumulation primitive de capital en Europe. Plus tard, avec l’impérialisme et la deuxième vague du colonialisme (fin du XIXe siècle), ce sont encore des masses de prolétaires (1) en provenance de pays de plus en plus lointains qui sont venues goûter aux plaisirs du travail salarié…

Bien sûr, le capitalisme étant en proie à des crises plus ou moins régulières, cette main-d’œuvre s’est trouvée assez régulièrement au chômage, c’est-à-dire surnuméraire. Mais les prolétaires sans emploi sont toujours indispensables à la valorisation du capital : non pas comme acteurs du processus de création de valeur, comme s’ils avaient effectivement un emploi, mais en tant que ce qu’on a coutume d’appeler « armée de réserve (2) ».

Cette armée de réserve exerce une pression permanente sur les travailleurs et les travailleuses ayant effectivement un emploi. Dans le capitalisme, la force de travail, comme toute autre marchandise, s’échange sur un marché : le marché du travail. Celui-ci est supposément, comme les autres, régi par la « loi du marché » : ainsi, plus il y a de force de travail en quête d’acheteurs, plus son prix (le salaire) baisse. Bien sûr, il faut tenir compte du fait que, dans la réalité, le rapport de travail n’est pas un rapport d’égal à égal, et que le « travailleur libre » relève de la pure fiction. D’autant que de nombreux déterminants (genre, couleur de peau, possession de papiers d’identité, etc.) entrent en jeu pour accentuer encore la pression exercée sur les salaires.

Cette pression exercée par l’armée de réserve sur les prolétaires qui ont un emploi les conduit à accepter des salaires plus faibles, un travail plus intense, des conditions toujours plus dégradées (3), « au risque d’être évincé[s] par les autres vendeurs de la même marchandise (4) ». Cette « loi de la population » du mode de production capitaliste explique pour une large part le recours permanent, par les capitalistes, à une main-d’œuvre importée, peu qualifiée et docile autant qu’il est possible.

Le contrôle des frontières

Pourtant, on a plutôt le sentiment, dans la période actuelle, que les frontières se ferment, que l’immigration est partout réprimée durement, que tout est fait pour que les gens rentrent dans leurs pays d’origine, dussent-ils en mourir. Or, en réalité, il ne s’agit pas de fermer les frontières hermétiquement, mais de contrôler, de réguler, et d’entraver les déplacements de populations.

La constitution de l’espace Schengen en 1995 avait pour but la libéralisation des déplacements de personnes (et bien sûr de capitaux, de marchandises) au sein de l’Europe. En revanche, les frontières extérieures ainsi définies étaient plus strictement contrôlées. On exigea des pays issus de l’ancien bloc de l’Est, comme préalable à leur intégration à la Communauté européenne, qu’ils en contrôlent les frontières extérieures. Dans le même ordre d’idées, de nombreux accords ont été conclus avec des pays « pauvres » concernant les réadmissions des expulsés et la fermeture des frontières « au départ » : au respect de ces mesures est en général assujettie l’aide au développement (exemple : la convention de Cotonou, signée en 2000, oblige les 63 pays de l’aire « Asie-Caraïbes-Pacifique » à accepter la réadmission de leurs ressortissants (5)).

D’autre part, cette frontière extérieure de l’Europe a été, dans le même temps, militarisée. Des murs et des clôtures, souvent électrifiées, ont été érigées un peu partout. L’agence Frontex (maintenant European Border and Coast Guards), créée en 2004, a vu son budget passer de 6 à 238 millions d’euros en douze ans. Cette agence est devenue une sorte d’armée européenne autonome, équipée d’un arsenal ultra-sophistiqué, constitué d’avions, de navires de guerre et même de satellites. Rien qu’en 2016, d’après l’Office international des migrations, plus de 5 000 personnes ont péri dans la seule mer Méditerranée.

Les entraves aux déplacements de population rendent ceux-ci plus dangereux, plus difficiles et plus coûteux. Ainsi se trouve produite une main-d’œuvre docile et prête à travailler à n’importe quel prix, ne serait-ce que pour rembourser les frais toujours plus grands occasionnés par le voyage.

La régulation de ces déplacements permet d’ajuster au mieux les flux de prolétaires aux nécessités de l’économie capitaliste. Cette gestion s’applique selon diverses modalités, en fonction de l’époque ou du pays considérés. Ainsi, l’Arabie saoudite a un mode d’administration de « ses » travailleurs et travailleuses immigré.e.s bien spécifique : tous les deux ou trois ans, ces dernier.e.s sont tou.te.s(en général plusieurs centaines de milliers) expulsés, après quoi on fait aussitôt venir d’autres travailleurs et travailleuses pour les remplacer  (6).

Maintenir dans la plus grande précarité les immigrant.e.s, c’est encore garantir leur « flexibilité » (entendre par là : malléabilité) et le bas prix de leur force de travail. Le président du MEDEF, Pierre Gattaz, a pris la peine de se fendre d’une tribune dans le journal Le Monde, dans laquelle il clamait qu’il fallait « accueillir les migrants », parce qu’il s’agissait là d’une « opportunité pour notre pays (7) ». Il faut entendre : une opportunité pour le patronat, bien sûr.

La nation contre les prolétaires

Dans la rhétorique de l’extrême-droite, il est aujourd’hui courant de trouver des discours en apparence « sociaux », qui, en substance, dénoncent le fait que les immigré.e.s exercent une pression sur les « autochtones » : il faudrait alors fermer toujours plus les frontières pour défendre les travailleurs français, expulser les immigrés pour défendre les travailleurs français, etc.

Cette division des prolétaires en deux catégories, ceux qui ont des papiers d’un côté, ceux qui n’en ont pas de l’autre, est un classique des méthodes utilisées pour maintenir la domination de la bourgeoisie. C’est la base de l’idée de « nation » : substituer aux intérêts de classe du prolétariat un intérêt « national », qui revient en fait à un soutien des intérêts de la bourgeoisie nationale. Or ces intérêts sont antagonistes, et l’alliance de classes pour « défendre la nation », c’est l’abdication des prolétaires (par exemple, pendant la Première Guerre mondiale, l’« union sacrée » a permis au patronat de faire accepter d’incroyables mesures de répression des syndicats, d’augmentation du temps de travail et des cadences, etc.). Contrairement au prolétariat, le capital, lui, n’a point de frontières.

Du reste, ce qui fait baisser le prix de la force de travail, ce n’est pas le caractère « étranger » des prolétaires, mais avant tout leur clandestinité, qui ne fait pas partie de leur essence, mais qui leur est précisément imposée par les lois de la bourgeoisie. C’est de n’avoir pas de papiers qui les pousse à accepter des tâches ingrates, mal payées, en étant souvent escroqués par les patrons, le plus souvent sans contrat de travail.

D’ailleurs, les possibilités de régularisation par le travail obligent souvent les prolétaires à lutter pied à pied sur le terrain de la « légalité » de leur travail, comme l’ont récemment fait les travailleurs sans-papiers du marché d’intérêt national (min) de Rungis, en occupant les locaux de la direction : ils réclamaient des contrats de travail rétroactifs pour les périodes déjà travaillées (souvent plusieurs années de travail sous-payé), indispensables pour espérer une régularisation, que leurs employeurs refusaient de leur donner (8). Soulignons encore que, pour une grande partie des clandestin.e.s, la régularisation par le travail est tout bonnement inimaginable puisqu’ils et elles travaillent au noir, voire exercent des métiers illégaux (vente à la sauvette) ou presque illégaux (prostitution).

Mondialisation de la misère

Depuis les années 1980, la restructuration du capitalisme a conduit à ce qu’on a appelé la « mondialisation », c’est-à-dire l’internationalisation des capitaux, la multiplication des « flux » de tous ordres, la diminution des coûts de transport, etc. Dans les années 1990, il n’était pas rare d’entendre quelque lyrique chantre du libéralisme économique évoquer la constitution à brève échéance d’une sorte de « village-monde » qui abolirait paisiblement l’État-nation par le triomphe du marché. Or force est de constater que c’est bien l’inverse qui s’est produit : il n’est que de voir les nouveaux États-nations qui ont vu le jour ces vingt dernières années (dans les Balkans ou le Caucase, le Soudan du Sud, etc.).

« Un “monde sans frontière” ou la “liberté de circulation” ne sont pas du tout au programme du capitalisme », notait Franck Düvell il y a maintenant dix ans (9). Outre celles de ces nouveaux États, et sans parler des « suspensions provisoires » des accords Schengen qui se multiplient et se prolongent, de nouvelles frontières apparaissent au cœur même des État-nations existants : « zones d’attente » dans les gares, les ports et les aéroports, frontières « externalisées » comme celles du Royaume-Uni à Calais et dans tous les ports de la Manche…

La mondialisation s’est résumée, pour beaucoup, aux délocalisations, c’est à dire aux transferts de capitaux des pays riches vers les pays pauvres, où la main-d’œuvre est moins chère. L’irruption de ces capitaux, sous la forme épouvantable des maquiladoras ou des villes-usines asiatiques, à grand renfort de « réformes structurelles » du FMI, a conduit au bouleversement des économies préexistantes. Un prolétariat s’est constitué à base de paysans appauvris et poussés vers les villes. La restructuration de l’économie et la violence consécutives à l’arrivée du « marché libre » ont conduit également à la constitution d’un immense sous-prolétariat privé de possibilité d’emploi, prêt déjà à l’émigration.

Or, rapidement, la rentabilité de ces investissements a décru, à cause de la tendance à la baisse des taux de profit (10) et de la combativité des prolétaires qui bien souvent ont gagné des augmentations de salaire. De plus, la rentabilité diminuant, les coûts du transport sont devenus prépondérants : cela a conduit, parfois, à relocaliser les capitaux dans les pays d’où ils provenaient, en laissant derrière soi un prolétariat et un sous-prolétariat totalement dépourvus de perspective d’emploi dans une économie désorganisée, ainsi que des classes moyennes en voie de paupérisation rapide et brutale : des catégories de travailleurs disponibles à l’émigration…

Cet état de fait, très schématique, auquel il faut ajouter les « interventions » militaires occidentales ou russes (voire les deux), a été source d’innombrables conflits, guerres civiles, révolutions et contre-révolutions sanglantes. Souvent, il ne reste plus que le métier de soldat pour subvenir à ses besoins… Bref, les raisons de fuir son pays sont nombreuses, et elles sont indissociables du fonctionnement même du mode de production capitaliste.

Objectif Londres

Pendant l’épisode de la « crise des migrants », à l’été 2015, il est devenu la règle de distinguer soigneusement les bons « réfugiés » des mauvais « migrants économiques ». Cette distinction entre l’économie et la politique est assez idiote ; elle ne tient pas debout et ne sert en définitive qu’à expulser ou précariser le plus de monde possible. Il est absurde en effet d’imaginer qu’un « demandeur d’asile » qui fuit son pays pour des raisons « politiques » (lesquelles donc n’auraient rien à voir avec la sphère « économique ») n’aurait pas l’intention de travailler dans un monde où, pour vivre, il faut travailler. À l’inverse il est tout aussi aberrant de supposer que les raisons qu’ont les supposés « migrants économiques » de quitter leur pays d’origine n’ont rien de politique. Cette distinction se place du reste sur le terrain idéologique : il s’agit d’un jugement moral porté par les Occidentaux sur les raisons qu’ont les gens de quitter leur pays.

À Calais et dans la région de Calais, une très forte proportion des exilé.e.s coincé.e.s à la frontière avaient et ont l’intention de gagner le Royaume-Uni. L’association France terre d’asile, en 2014, énumérait les motifs d’attractivité suivants (11) : d’abord, l’anglais est la langue la plus parlée au monde, donc facilite l’intégration ; ensuite, nombre d’exilé.e.s ont des membres de leur famille déjà au Royaume-Uni, ce qui permet là aussi de faciliter l’installation ; le Royaume-Uni est supposé héberger immédiatement tout demandeur d’asile, alors qu’en France ce n’est pas du tout le cas, bien que ce soit inscrit dans la loi ; la procédure d’asile y est aussi plus rapide ; enfin, l’association mentionne une « présumée plus grande facilité à travailler au Royaume-Uni qu’en France ».

En somme, qu’ils soient « réfugiés » ou « migrants économiques », les migrant.e.s vont là où la vie leur paraît la plus facile, ou la moins difficile, là où trouver du travail sera le plus simple. Ceci ne signifie d’ailleurs nullement qu’en attendant, à Calais, les milliers de personnes regroupées dans la Jungle ne travaillaient pas. Certains établissent des commerces, d’autres travaillent pour des passeurs en échange d’un passage hypothétique.

Lutter ?

La question se pose quant à la possibilité d’une lutte menée par ces personnes étrangères bloquées à la frontière, et du soutien qu’il serait possible d’apporter à une telle lutte.

Mais que signifie « lutter » alors que, pour la plupart, la question est de franchir la frontière avec le Royaume-Uni, conçue comme le dernier des obstacles d’un périple qui, souvent, a commencé des années auparavant ? Comment s’organiser collectivement lorsqu’on n’est que « de passage » dans la région de Calais ? Bien souvent la perspective d’un passage clandestin, individuel ou en petit groupe, paraît bien plus prometteuse que celle d’une lutte collective.

Et, pour les « soutiens », à quoi rime la solidarité avec des gens qui, eux-mêmes, ne luttent pas politiquement au sens où on l’entend habituellement ? Cela ne revient-il pas à se substituer, voire à se surajouter aux associations humanitaires qui, loin de chercher une réponse radicale, agissent bien souvent comme des relais de l’État et entretiennent au contraire cette espèce de purgatoire frontalier ?

On objectera que la détermination des principaux intéressé.e.s à franchir cette frontière envers et contre tout, en risquant la mort, la détention, le renvoi dans son pays d’origine, constitue déjà une forme de lutte pour l’abolition de cette frontière. Pour certains militant.e.s No Border, il s’agit alors d’apporter un soutien essentiellement matériel et logistique (nourriture, logement, surveillance de la police, etc.) pour libérer le maximum de temps possible aux exilé.e.s, qui peuvent ainsi se consacrer pleinement à leurs tentatives de franchir la frontière. Ces formes de solidarité, au demeurant, ne signifient pas l’abandon du travail de soutien politique (manifestations, tentatives d’organisation…).

La « liberté de circulation » tant réclamée n’est pas un énième droit de l’homme, un concept bourgeois supplémentaire flottant dans le ciel des idées, qu’il suffirait d’édicter pour qu’il devienne réalité (un peu comme la « liberté » ou « l’égalité »). Cette liberté ne peut se concevoir indépendamment des structures réelles dans lesquelles elle s’applique, l’origine géographique, la classe sociale, le genre, etc. En ce sens, supplier l’État et la bourgeoisie d’accorder cette sacro-sainte liberté est vain : il convient de lutter pied à pied pour arracher tout ce qu’il est possible d’arracher en vue de permettre ou de faciliter le passage des frontières, de supprimer les forces armées qui les gardent, de fermer les centres de rétention, d’obtenir pour tous des logements décents, de régulariser les sans-papiers, etc.

Et, en dernière instance, ceci ne s’obtiendra que par l’union des prolétaires ayant un emploi ou non, un contrat ou non, des papiers d’identité ou non. La solidarité entre les « nationaux » et les « immigrés » est la condition indispensable à l’émancipation des uns comme des autres.

[Les associations d’ouvriers] sont la première tentative des ouvriers pour abolir la concurrence. Elles supposent cette idée très juste, que la domination de la bourgeoisie n’est fondée que sur la concurrence des ouvriers entre eux, c’est-à-dire sur la division à l’infini du prolétariat, sur la possibilité d’opposer entre elles les diverses catégories d’ouvriers. Et c’est précisément parce qu’elles s’en prennent – bien que de façon unilatérale et assez limitée – à la concurrence, ce nerf vital de l’ordre social actuel, qu’elles constituent un tel danger pour cet ordre social. L’ouvrier ne saurait trouver de meilleur point faible où frapper la bourgeoisie et avec elle l’ensemble du régime social existant. Que la concurrence entre ouvriers soit supprimée, que tous les ouvriers soient fermement résolus à ne plus se laisser exploiter par la bourgeoisie et le règne de la propriété est révolu. Tant il est vrai que le salaire n’est fonction du rapport entre l’offre et la demande et de la situation éventuelle du marché du travail que parce que, jusqu’à présent, les ouvriers se sont laissé traiter comme une chose qu’on achète et qu’on vend. (12) »

Or la force de travail est une marchandise bien particulière en ce sens que le travailleur qui la vend n’abdique jamais ses droits en tant qu’être humain, il ne se voit jamais réduit à la marchandise qui le fait exister. Le travailleur immigré, à plus forte raison, investit toutes ses énergies dans la réalisation du projet de survie et d’intégration dans la société où il peut vendre au plus cher sa force de travail. S’il vend sa force de travail dans un endroit, c’est justement pour pouvoir y vivre. La tendance du capitalisme moderne à traiter les migrants comme des marchandises crée des nouvelles résistances de classe. C’est ainsi que doivent être comprises et soutenues les luttes des travailleurs immigrés qui refusent de voir le cadre de leur existence réduit aux variations de l’échange marchand. (13) »


Notes

  1. Les prolétaires n’ont, pour vivre, que leur force de travail.

  2. Voir en particulier Karl Marx, Le Capital, 1867, Livre 1, chap. XXV, III : « Production croissante d’une surpopulation relative ou d’une armée industrielle de réserve ».

  3. « Le rapide développement de l’industrie anglaise n’aurait pas été possible si l’Angleterre n’avait disposé d’une réserve : la population nombreuse et misérable de l’Irlande. Chez eux, les Irlandais n’avaient rien à perdre, en Angleterre ils avaient beaucoup à gagner […]. C’est contre un concurrent de ce genre que doit lutter le travailleur anglais, contre un concurrent occupant le barreau de l’échelle le plus bas qui puisse exister dans un pays civilisé et qui, précisément pour cette raison, se contente d’un salaire inférieur à celui de n’importe quel autre travailleur. C’est pourquoi le salaire du travailleur anglais, dans tous les secteurs où l’Irlandais peut le concurrencer, ne fait que baisser constamment. » (Friedrich Engels, La Situation de la classe laborieuse en Angleterre, 1844, chap. IV).

  4. Karl Marx, « Résultat du procès de production immédiat », Un chapitre inédit du Capital, 1867.

  5. Voir Claire Rodier, « Des camps hors d’Europe : exilons les réfugiés », Vacarme, n°24, 2003.

  6. Voir, par exemple, « Arabie saoudite : Contre les étrangers, mesures restrictives et racisme grandissant », Courrier International, 9 mars 2017 ; ou, pour 2015 : « Arabie saoudite : Expulsions massives de travailleurs migrants », sur le site de Human Rights Watch : www.hrw.org/fr/news/2015/05/09/arabie-saoudite-expulsions-massives-de-travailleurs-migrants (consulté le 1er avril 2017).

  7. Le Monde, 8 septembre 2015.

  8. Voir « Mobilisation. Les sans-papiers tiennent le bon cap », L’Humanité, 28 mars 2017.

  9. Franck Düvell, « La mondialisation du contrôle des migrations », in Franck Düvell, Claire Rodier, Élise Vallois et al. Politiques migratoires. Grandes et petites manœuvres, Carobella ex-natura, 2005.

  10. Contradiction structurelle du mode de production capitaliste, la tendance à la baisse du taux de profit est liée à la diminution relative de la part du capital dévolue à la main-d’œuvre (capital variable) par rapport à celle consacrée aux matières premières, machines, usines, etc. (capital constant). Cela ne signifie pas nécessairement que le taux de profit baisse en permanence, mais que les capitalistes ont sans cesse besoin d’accroître le taux d’exploitation et de trouver des contre-tendances à cette baisse. Voir notamment Karl Marx, Le Capital, livre III, section 3.

  11. France terre d’asile, 1999-2014. Les Migrants et le Calaisis. Quelle sortie de crise ?, octobre 2014.

  12. Friedrich Engels, op. cit., chap. VIII.

  13. Charles Reeves, « L’immigré et la “loi de la population” dans le capitalisme moderne », L’Oiseau-tempête, n°2, 1997.